"Je travaille à temps partiel, mais j’ai l’impression d’être tout le temps au boulot.”
Sonia, assistante de vie depuis 7 ans

Entre horaires coupés et fatigue invisible : le quotidien d’une assistante de vie

  • 6 h 45, le réveil sonne. Claire avale un café, enfile son manteau, et part en vitesse pour sa première tournée.
  • À 7 h 15, elle aide Mme D. à se lever, à se laver, à déjeuner.
  • À 9 h, elle traverse la ville pour aller chez un autre bénéficiaire.
  • À 11 h, elle rentre enfin chez elle — mais pas pour se reposer : juste une pause forcée, non payée, avant de repartir.

Ce soir, elle terminera à 21h.

Dans le secteur de l’aide à domicile, une journée d’assistante de vie se vit en pointillés.
Entre les horaires coupés, les kilomètres avalés sans rémunération, les pauses imposées et les appels de dernière minute, les auxiliaires de vie n’ont souvent ni temps plein, ni vrai temps pour elles.

Elles travaillent “à temps partiel”, mais leur temps personnel s’est évaporé.

Une journée morcelée, sans répit

“Je pars le matin, je rentre le soir. Entre les deux, j’ai trois ou quatre heures ‘off’ sur le papier, mais jamais au bon moment pour vivre.”

Fanny, 42 ans, assistante de vie en milieu rural

Les horaires sont “coupés” : un peu le matin, un peu à midi, un peu le soir. Impossible de prévoir un rendez-vous médical, un repas en famille ou une sieste. La journée s’étire, morcelée en tranches de travail et de trajets, sans continuité ni répit.

Exemple de journée type :

  • 7 h – 9 h : toilettes, petit-déjeuner, habillage des personnes âgées.
  • 10 h 30 – 12 h : courses, ménage, repas.
  • 14 h – 16 h : temps mort non payé, coincée entre deux interventions.
  • 17 h – 21 h : accompagnement du soir.

Beaucoup finissent par dire qu’elles “vivent dans leur voiture”.

En moyenne, une auxiliaire de vie parcourt entre 50 et 80 km par jour, souvent sans que ces trajets soient intégralement rémunérés.

Le saviez-vous ?

Une assistante de vie peut travailler 10 à 12 heures par jour… pour un contrat de 24 heures hebdomadaires.

Le temps perdu… et jamais payé

“Quand j’arrive à la maison à 14 h, j’ai l’impression d’avoir fait une journée entière, alors que je n’ai été payée que quatre heures.”

Élodie, assistante de vie à domicile

Les kilomètres entre deux domiciles sont considérés comme “hors temps de travail effectif”. Pourtant, sans eux, le service n’existerait pas. Résultat : du temps et du carburant perdus, mais aussi une fatigue accumulée.

Dans les zones rurales, c’est pire : il faut parfois vingt minutes de route entre deux interventions, sur des chemins de campagne, souvent sans compensation réelle. Certaines finissent par refuser des missions trop éloignées. D’autres acceptent, faute de choix, au prix de leur santé.

Ce que la CGT SAP revendique :

  1. La rémunération intégrale du temps de trajet entre deux domiciles.
  2. La prise en charge des frais kilométriques réels.
  3. Des plannings cohérents, sans coupures interminables.

Pour connaître vos droits, consultez la Convention collective des salariés du particulier employeur.

Fatigue, isolement, culpabilité : le prix du déséquilibre

Les assistantes de vie le disent souvent : ce n’est pas seulement la fatigue physique qui pèse, c’est le sentiment d’être toujours “entre deux”.

Entre deux maisons, entre deux appels, entre deux vies.

“Je rentre à la maison à 22ch, les enfants dorment déjà. J’ai l’impression de ne plus faire partie de leur vie.”

Katia, 36 ans, mère de deux enfants

Ce déséquilibre constant fragilise tout le reste :

  1. la santé, abîmée par les trajets et les postures répétées ;
  2. la vie sociale, réduite à néant ;
  3. la culpabilité, qui s’installe — celle de ne pas en faire assez pour les bénéficiaires, ni pour sa famille.

Et pourtant, ce sont ces travailleuses qui tiennent debout la société : elles accompagnent, rassurent, nettoient, nourrissent.

Mais qui prend soin d’elles ?

“On nous dit qu’on a choisi un métier de cœur. Oui, mais on n’a pas choisi de s’y perdre.”

Nathalie, aide à domicile depuis 15 ans

Redonner du temps, redonner du sens

Ce déséquilibre n’est pas une fatalité.

Il est le produit d’un système construit sur la précarité du temps et l’invisibilité du travail des femmes. La CGT du service à la personne agit pour que ces métiers essentiels soient enfin reconnus à leur juste valeur :

  1. des salaires revalorisés,
  2. du temps de travail compté à 100 %,
  3. et surtout, le droit à un vrai temps pour soi.

Parce que prendre soin des autres ne devrait jamais signifier s’effacer soi-même.

Vous vivez la même chose ?

Vous aussi, vos journées ne rentrent pas dans les cases ?

Partagez votre témoignage en commentaire — vos récits font bouger les lignes.

→ Prochain article :

“Travailler pour les autres, travailler chez soi : le double emploi des assistantes de vie.”

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