Réunion d’information sur les droits des gardiens et employés d’immeuble
Cadre professionnel complexe, respect des droits des gardiens et employés d'immeuble et connaissance de la convention collective, protection contre le harcèlement… La CGT avait beaucoup à dire aux concierges, gardien·nes et employé·es d’immeubles (CGEI) convié·es à une réunion d’information samedi 16 novembre.
Une affluence inattendue et un besoin de soutien manifeste
Ce devait être une courte réunion. La CGT du Service à la personne avait lancé des invitations à participer à deux heures d’information consacrées aux concierges et gardien·nes et employé·es d’immeubles. 45 personnes étaient inscrites, quelque 120 se sont présentées. La salle Léon Jouhaux de la Bourse du Travail de la rue de Turbigo, à Paris, était pleine à craquer samedi dernier. Une prise de parole autour des droits des gardiens et employés d'immeuble.
CGEI : Comment les élections syndicales protègent les droits des gardiens et employés d’immeuble
Une réunion victime de son succès, traduisant un besoin réel
Plus une chaise disponible, des participant·es debout, d’autres assis·es par terre ou sur les marches de l’estrade... Il est clair que les gardiens et employés d'immeubles sont avides d’informations sur leur métier, leurs droits et leur convention collective. Ils et elles ont aussi besoin de soutien et de réponses à leurs questionnements personnels. En atteste le nombre d’interventions et de questions posées au terme des discours de Stéphane Fustec, conseiller de la fédération CGT Commerce et Services et d’Eloy Fernandez, militant CGT en charge du secteur.
L'importance des élections syndicales pour les salariés isolés
Actualité oblige, Stéphane Fustec souhaite d’abord rappeler l'importance des élections syndicales pour les salarié·es des TPE et de l’emploi à domicile qui sont souvent isolé·es dans leur fonction.
Les conséquences d’une faible participation pour les droits des gardiens et employés d’immeuble
Depuis la tribune, il insiste : « Si cette faible participation persiste, le ministère du Travail envisage de supprimer ces élections, privant des millions de salarié·es de représentation et de droits démocratiques au profit d’une représentativité détenue par les seules grandes entreprises ». En d’autres termes, ce serait cinq millions de salarié·es privé·es de droit de vote en plus des chômeur·ses. Soit un net recul de la démocratie sociale.
Syndicalisation : un levier pour protéger et représenter les gardiens et employés d’immeuble
« Je reviens sur ce scrutin, j'insiste lourdement, votez, votez pour qui vous voulez, peu importe, mais refusez de vous faire voler ce droit à la représentation, poursuit Stéphane. La syndicalisation est un choix crucial, non seulement pour vous protéger individuellement, mais aussi pour renforcer le collectif. Bien qu'il soit clair qu'être syndiqué·e n'offre pas une garantie contre le licenciement, cela permet de faire partie d'une communauté solidaire et protectrice ». Cela permet aussi de mieux peser dans les négociations de branche et au-delà.
CGEI et syndicat CGT : un acteur clé pour les droits des gardiens et employés d’immeuble
La CGT : un syndicat historique et de proximité
Un petit mot sur l’adhésion et sur l’abattement fiscal qu’elle induit. Stéphane rappelle qu’elle n’a rien d’obligatoire mais que « se syndiquer, c'est faire partie d'une communauté qui permet de créer des solidarités et de défendre les gens ». La CGT est actuellement l’organisation la plus représentée dans la branche des CGEI. Syndicat historique en France, fondé il y a 129 ans, c’est un syndicat de proximité qui defends vos droits.
Les permanences : une aide concrète pour les gardiens en difficulté
Le syndicat est animé par des bénévoles comme Eloy Fernandez, qui travaille à plein temps. Tous les samedis, depuis quinze ans, il aide les CGEI à écrire des courriers à leur syndic, les aiguille, les envoie vers des avocats pour les situations les plus graves. Le syndicat permet en outre aux salarié·es de créer des solidarités. Il permet d'obtenir des conseils dans un espace dédié, comme la Bourse du Travail.
Un rôle central pour défendre les droits des gardiens et employés d’immeuble
Dans la branche des concierges, gardien·nes et employé·es d'immeubles, la CGT joue un rôle prépondérant en matière de négociation de conventions collectives, avec un poids de 38 % de représentativité. Ce qui permet d'éviter le pire dans les projets parfois aberrants proposés par le patronat. Au terme d’un petit topo sur les différentes organisations patronales et syndicales de la branche et avant de passer le micro, Stéphane conclut : « Le premier objectif de cette réunion, c’est justement de vous informer sur cette élection et de vous faire prendre conscience qu'ensemble, vous êtes une force ».
S’engager pour défendre les droits des gardiens et employés d’immeuble
Eloy prend la parole et commence par se présenter. S’adressant à l’assemblée assez intimement : « Je suis né ici, d'origine espagnole et mes parents étaient aussi gardiens. Donc je connais bien votre réalité, je comprends ce que vous dites et ce que vous vivez. J'ai vu ça et ça m'a marqué, étant petit. Pourquoi je vous dis ça? C'est parce que j'ai vécu cette situation de l’intérieur que je me suis dit qu’elle ne devrait pas perdurer. Je n'ai pas pu aider mes parents parce que j'ai découvert le syndicat un peu tardivement, en rencontrant Stéphane qui était délégué syndical dans l’entreprise dans laquelle nous travaillions tous les deux ».
L’identification des participant·es à son parcours semble fonctionner. Eloy évoque ensuite la découverte de la convention collective des CGEI, « par conviction », la tenue de la permanence tous les samedis après-midi et les négociations de branche dans lesquelles il s’est impliqué depuis 2006 : « Le but de cette réunion, c'est aussi de trouver des gens convaincus qu'il faut se défendre, qu'il faut agir et pas rester seul·e. Parce que rester seul·e, ça implique que vous ne pouvez rien faire, notamment au vu de ce qui se passe de plus en plus dans toutes les copropriétés ».
Tout le portrait d'Eloy dans notre dernier article.
Les droits des gardiens et employés d’immeuble : catégories A et B
Différences entre catégorie A et catégorie B
Il rentre alors dans les détails de questions plus spécifiques, la différence, les prérogatives et les droits de la catégorie A, rémunérée au taux horaire, et de la catégorie B, rémunérée à la tâche. Cette rémunération à la tâche est, selon lui, un garde-fou car on ne peut pas inventer des tâches, elles sont conventionnelles. L'employeur (ici la copropriété) doit cocher dans une annexe du contrat les tâches précises que le ou la gardien·ne doit effectuer avec les unités de valeur correspondant. Voilà qui détermine le taux d’emploi.
Abus des employeurs : quand les rôles sont confondus
Cependant, cette classification est souvent remise en question par les employeurs, qui préfèrent parfois embaucher des employé·es d'immeuble (catégorie A) pour des postes similaires afin de réduire les coûts et d'éviter les obligations de logement. Cela entraîne une diminution du nombre de gardien·nes et une confusion dans les rôles. « De plus en plus, des salarié·es sont embauché·es en catégorie A pour faire le même travail qu'un·e gardien·ne. Le résultat, c’est qu’il y a de moins en moins de gardien·nes selon l’idée qu’ils et elles coûtent trop cher. C'est le message qu'ils font passer, malheureusement ».
Et pourtant, avoir une personne qui est là tout le temps, qui vit sur place, ce n’est évidemment pas la même chose que d’avoir un·e prestataire qui vient pour le ménage ou la sortie des poubelles. Eloy dénonce le fait qu’il y ait désormais une concurrence organisée par le patronat entre les deux catégories, avec une strate de concurrence supplémentaire avec les prestataires et des salarié·es qui « souffrent et sont aussi exploité·es ».
Comment se protéger : conseils pratiques pour les gardiens
Documenter les abus et se préparer à se défendre
Pas avar de conseils, Eloy suggère aux CGEI présent·es à cette réunion de tout documenter, de prendre des photos, de filmer, de communiquer, d’écrire et de conserver tous les échanges par mail ou par texto. Parce que quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Quand on ne veut plus de gardien·ne, on l’accuse de ne pas faire son travail. « C’est à ça que sert le syndicat, à vous défendre, à éviter d’aller aux prud’hommes et éviter qu’il y ait licenciement », justifie-t-il. Tout en reconnaissant que ce n’est pas si simple. D’abord du fait d’une confusion sur qui est l’employeur.
Comprendre qui est l’employeur réel des gardiens d’immeuble
Ce n’est pas le syndic, c’est la copropriété qui prend des décisions en assemblée générale et donne mandat au syndic pour la représenter. De quoi bien compliquer les choses. Les syndics, en tant que gestionnaires, sont souvent accusés de ne pas respecter les conventions collectives ni le code du travail. Cela conduit à des problèmes de malentendus sur les responsabilités.
Par exemple, des copropriétaires se permettent de donner des ordres aux gardien·nes. En réalité, seul le syndic a cette autorité, car il représente formellement la copropriété-employeur. Ce flou contribue également aux abus de la part de certains copropriétaires et syndics. Cela se traduit par exemple par des licenciements abusifs sans consultation de l'assemblée générale des copropriétaires.
Harcèlement et abus : des situations fréquentes
Des cas de harcèlement trop souvent rencontrés
À force de faire les permanences du samedi, Eloy a tout vu. Des inimitiés de certains copropriétaires à l’égard de leur gardien·ne à des cas de harcèlement en passant, hélas, par des accidents du travail. Sur trois rendez-vous, il y a systématiquement deux cas de harcèlement.
Les étapes à suivre en cas de harcèlement
Face à ces situations récurrentes, il conseille vivement aux gardien·nes de documenter ces abus. Ils et elles sont encouragé·es à informer le plus de copropriétaires possibles, car ceux-ci, en tant qu'employeurs indirects, peuvent prendre position.
Il recommande aussi de consulter son médecin et accepter de prendre des arrêts maladie en cas de besoin, de consulter le médecin du travail et de se défendre en signalant le harcèlement. Si un syndic persiste dans son comportement abusif, le syndicat procède à des interventions progressives, en commençant par des courriers, en dialoguant et, si nécessaire, en allant jusqu'aux tribunaux avec le soutien du syndicat.
Surveiller sa santé
« Que ce soit physique ou psychologique, il faut accepter de se dire que ça ne va pas. Se dire et dire qu’on a mal et qu’on n’est pas bien. Accepter d’aller consulter. Rien ne sert d’essayer de tenir au détriment de sa santé », répète encore Eloy. Il met aussi en garde les salarié·es présent·es contre l'excès de travail en dehors des horaires et tâches fixés dans leur contrat. Par exemple, si un accident survient en dehors des horaires contractuels, la sécurité sociale peut refuser la prise en charge. La CGT recommande aux gardien·nes de se référer aux annexes de leur contrat pour respecter le nombre et la fréquence des tâches et éviter de faire des heures supplémentaires non rémunérées.
Respect des horaires et des tâches : un enjeu clé pour les droits des gardiens et employés d’immeuble
Comprendre l’amplitude horaire des gardiens d’immeuble
Les gardien·nes disposent d'une amplitude horaire de 47h30 hebdomadaires, durant laquelle ils peuvent organiser leur travail pour accomplir les tâches prévues au contrat. Cependant, certains syndics imposent des horaires fixes pour les tâches qui doivent être réalisées plus tôt ou plus tard, comme la sortie des poubelles, ce qui peut poser des problèmes de couverture en cas d'accident du travail.
Les dangers des heures supplémentaires non rémunérées
La CGT encourage les salarié·es à vérifier que leurs horaires d'amplitude incluent toutes les tâches attendues, que l’annexe de leur contrat stipule les tâches, leur fréquence et les horaires. S’agissant d’horaires, Eloy évoque aussi la confusion entre l’amplitude horaire et les heures d’ouverture de la loge. Un point à clarifier et à tenir.
Le piège de l’auto-entrepreneuriat pour les gardiens
Pourquoi l’auto-entrepreneuriat menace les droits des gardiens et employés d’immeuble
À la question d’une participante pointant le fait que dans certains cas, de plus en plus fréquents, on demanderait aux employé·es d’immeubles d’intervenir en tant qu’auto-entrepreneurs, la CGT a une position claire. Elle s'oppose fermement à l'idée de transformer les gardien·nes en auto-entrepreneur·ses, un statut qui entraîne la perte des protections salariales et sociales.
Des droits sociaux menacés par le statut d’auto-entrepreneur
Les gardien·nes y perdraient des droits essentiels tels que les indemnités de chômage et la couverture en cas d'accidents du travail. Le syndicat met en garde contre ce statut, qualifié de « précarité déguisée », en particulier qu'il expose à une exploitation accumulée sans protection adéquate. « Ne vous laissez pas berner par les sirènes patronales, l’auto-entreprenariat, c’est un cauchemar », rétorque Eloy. Stéphane Fustec reprend le micro pour laisser Eloy souffler.
Les femmes gardiennes et employées d’immeuble : un combat pour l’égalité
La CGT, un syndicat féministe engagé pour les droits des femmes
Il décrit la CGT comme un syndicat féministe, veillant particulièrement aux droits des femmes, travaillant à réduire les inégalités salariales et se battant pour la parité au sein de ses structures.
Présentant Nathalie Ghaffar, secrétaire générale du syndicat CGT du Service à la personne d’Île-de-France et Angèle Pelegrinelli, sa trésorière, il en profite pour évoquer « les droits des femmes, notamment dans les métiers précaires et souvent féminisés comme celui des employé·es de ménage et des gardien·nes d'immeuble, qui sont au centre de l’action de la CGT. Ces droits ne sont jamais complètement acquis et exigent une vigilance constante pour éviter tout recul ». L’écart salarial entre les femmes et les hommes est de 27 % et de 40 % en retraite. De quoi souligner l'importance du combat pour des retraites décentes, un sujet sur lequel la CGT se mobilise activement.
Retraites et conditions de fin de carrière des gardiens
Les travailleur·ses en poste subissent une dégradation de leurs conditions de fin de carrière et l'âge de départ à la retraite a récemment été reculé à 64 ans. La CGT milite pour que les métiers pénibles, comme ceux des gardien·nes d'immeuble, soient reconnus. Elle militte pour que les travailleur·ses puissent partir en retraite en bonne santé, avec des revenus décents pour en profiter. Comme le précise Stéphane, « Il faut qu’on gagne sur vos métiers, sur les métiers pénibles, sur les métiers féminisés, sur les métiers non féminisés. En France, on donne des millions à Michelin ou Auchan. Derrière, ils licencient 2500 personnes. On a donc les moyens de vivre dignement de nos salaires et d'avoir une retraite agréable ».
Une mobilisation essentielle pour les droits des gardiens
Un débat animé et des réponses concrètes
La réunion, initialement prévue pour durer 1h30 a fini tard. Après les interventions de Stéphane Fustec et Eloy Fernandez, les questions ont fusé. Sur des cas spécifiques et particuliers, bien sûr, auxquels ils se sont efforcés d’apporter de premières réponses. Mais aussi sur des enjeux plus généraux. Difficile de satisfaire tout le monde. Difficile de prendre le temps que chaque cas mériterait. Aussi Eloy a-t-il rempli son carnet de rendez-vous, déjà très chargé. Qu’à cela ne tienne, il trouvera le temps de tenir sa permanence et de répondre à chacun·e.
Pour contacter Eloy Fernandez et prendre rendez-vous : 01 42 40 36 90 ou eloyfernandez@free.fr