1. Assistantes maternelles : un métier entre indépendance et salariat
Dans cette série de 3 entretiens, François-Xavier Devetter, chercheur à l’Ires, revient sur l’évolution du métier d’assistante maternelle entre 2010 et 2021. Entre professionnalisation, perte d’effectifs et ambiguïtés statutaires, il éclaire les spécificités de cette profession essentielle à l’accueil du jeune enfant, mais encore trop peu reconnue. Cet article est le premier d’une série de trois consacrée aux réalités du métier d’assistante maternelle.
Propos recueillis par Chrystel Jaubert
Évolution du métier en dix ans
Une première enquête en 2010-2011
Avec Geneviève Cresson, sociologue au Clersé, nous nous étions intéressé·es une première fois aux assmats en 2010-2011. Nous avions mené une enquête dans le cadre d'un appel à projet de la CNAF sur les conditions de travail et d'emploi des assmats. À l'époque, ce métier était en pleine expansion en termes quantitatifs. Nous ne savions pas encore que c'était justement la fin de cette période d'expansion. Cette première étude portait à la fois sur des données statistiques et sur des données d'enquête avec une série d'entretiens menés essentiellement dans le Nord.
Un retournement de tendance en 2020-2021
Nous avons voulu recommencer en 2020-2021 pour examiner ce qui s'était passé en dix ans, comment le métier avait évolué et s’était transformé sous le coup de sa structuration et de sa professionnalisation. D’autant qu’il y avait eu un retournement quantitatif puisque d'un métier en forte expansion, nous étions passés au contraire à un métier en perte d'effectifs. Nous avons à nouveau bénéficié d'un financement de la CNAF pour actualiser en quelque sorte notre première enquête. En définitive, nous avons refait une enquête avec certaines personnes rencontrées dix ans plus tôt et pour l'essentiel, de nouvelles salariées.
Lire la dernière enquête sur les conditions de travail et d'emploi des assistantes maternelles.
Les spécificités du métier d’assistante maternelle
Un statut hybride entre salariat et indépendance
C'est une profession un peu particulière parce qu'elle a des traits du salariat fortement marqués, les assmats étant des salariées. Elle a aussi les traits d'une forme d'exercice indépendant de l'activité, avec le sentiment d'être sa propre employeuse vis-à-vis des parents qui certes, sont des parents employeurs, mais aussi, en quelque sorte, les clients de l’assmat.
Un métier exercé à domicile avec ses propres ressources
Ce métier est assez particulier aussi parce qu'il s'exerce chez soi avec un outil de travail et des ressources qui sont personnels : logement, véhicule, matériel et parfois le temps de sa propre famille mobilisé pour une activité professionnelle salariée.
Une reconnaissance sociale ambiguë
Troisième caractéristique de cette profession, son positionnement extrêmement ambigu dans l'échelle des métiers, l'échelle des qualifications et la représentation que les assmats et la société s’en font. Cette représentation est à cheval sur deux modèles.
- Celui de la « nounou, garde d’enfants » où il suffit d'être une mère, voire d'être une femme, pour être capable de s'occuper d'enfants en bas âge et dont on n'attend pas grand-chose excepté la surveillance et le nourrissage.
- Celui de professionnelles qui constituent le premier étage du système éducatif des enfants entre 0 et 3 ans, les mille premiers jours pendant lesquels tout se joue. Dès lors, on demande à l'assmat d'être celle qui éveille, apprend les rudiments du langage, suscite la curiosité, fait découvrir au plan alimentaire et au plan de la motricité.
Des différences territoriales marquées
Tout ceci dépend fortement des territoires, évidemment. Nous avons remarqué que la façon dont les assmats se présentent et mettent en scène leur travail dans les annonces diffère grandement entre, par exemple, les territoires populaires de la métropole lilloise ou dans une ville comme Versailles.
La profession est donc à la croisée des chemins, entre salariat et travail indépendant, entre un travail considéré comme très peu qualifié et extrêmement qualifié dans l'échelle éducative.
Un profil social varié
En termes sociaux, nous constatons un peu la même chose. Le métier est occupé dans l'ensemble par des femmes de classe populaire avec des niveaux de rémunération relativement faibles. Mais elles ne sont pas non plus tout en bas de la hiérarchie sociale dans le sens où, pour accueillir des enfants en bas âge, il faut un logement avec suffisamment d’espace voire un jardin, ce qui est particulièrement valorisé. Ceci implique souvent des revenus autres, donc un conjoint en emploi, le fait d'être propriétaire, des expériences professionnelles antérieures plus importantes, des diplômes… Une partie de la population des assmats est très diplômée contrairement aux aides à domicile, aux agent·es d'entretien ou aux employé·es de maison, par exemple. Dans les emplois de services à la personne, d'un point de vue social, il y a vraiment une gradation très marquée.
A suivre dans notre prochain article, les conditions de travail souvent invisibles des assistantes maternelles. Lire l'article : Assistantes maternelles : Conditions de travail, une réalité sous-estimée.
Enfin, dans la troisième partie de l'interview, nous nous intéressons à l’avenir de la profession : rémunérations, déclin des effectifs et rôle des syndicats. Lire l'article : Assistantes maternelles : construire l’avenir d’une profession en mutation