2. Assistantes maternelles : Conditions de travail, une réalité sous-estimée

Si le métier d’assistante maternelle est indispensable au système d’accueil du jeune enfant, il reste marqué par des conditions de travail très exigeantes. Dans cet entretien, François-Xavier Devetter analyse les longues journées, les tâches invisibles et la pénibilité physique que rencontrent les assistantes maternelles au quotidien.
C’est le deuxième article d’une série en trois volets sur le métier d’assistante maternelle, ses conditions de travail et ses perspectives d’avenir. Lire le premier article.
Propos recueillis par Chrystel Jaubert
Des journées extensives et morcelées
Des horaires très longs et continus
Par rapport aux autres métiers que j'ai évoqué dans la première partie de l'entretien, aides à domicile, employé·es de maison ou agent·es d'entretien, les assmats ont un temps de travail qui n'a rien à voir. Autant les autres métiers féminisés, peu qualifiés ou considérés comme tels, sont marqués par la fragmentation des journées, l'éclatement des temps de travail, des trous fréquents au cours de la journée ou la difficulté de faire compter certains temps. Autant les assmats sont dans l'exact inverse. Elles font des journées très extensives, qui commencent tôt et finissent tard.
Une reconnaissance partielle du temps de travail
Elles éprouvent toutefois des difficultés à faire reconnaître leur temps de travail comme du vrai travail. Comme les temps de surveillance pendant la sieste des enfants. C'est l'éternelle question.
Non seulement les durées d'accueil sont relativement extensives, mais en plus, les assmats accueillent plusieurs enfants. Ces derniers n'arrivent ni ne partent à la même heure. L’accueil s’échelonne le matin entre 7h30 et 8h30 et le soir entre 17h et 20h. Ce qui compte comme temps dédié au travail, c'est l'ensemble de la période. Elle commence à la première minute du premier enfant et s'arrête à la dernière minute du dernier enfant.
Des tâches domestiques additionnelles
Au-delà, il y a la mise au format professionnel du domicile et la remise du domicile au format familial, la préparation des activités et des repas, les courses, le ménage, des temps qui peuvent être relativement longs et qui sont à la frontière du travail domestique.
Évidemment, la distinction entre les deux est très compliquée. En effet, c'est le même lieu, les mêmes tâches, mais malgré tout, il s’agit d’un ajout d'activités loin d'être négligeable.
La montée en puissance des activités éducatives
À tout cela s’ajoutent de nouveaux éléments liés à l'augmentation des activités à préparer.
Cette transformation du métier où, progressivement, on attend de l’assmat davantage de travail d'éveil éducatif par rapport à la garde au sens strict que l'on attendait auparavant, implique de préparer des gommettes, des dessins, des activités, des jeux...
Selon le nombre d'enfants gardés, les âges et les rythmes des enfants qu’il convient d’articuler, là aussi, le temps de travail augmente.
Les temps de relation avec les parents
Et ce n’est pas fini. D’autres temps s'ajoutent lors du passage de consignes ou de transition avec les parents. Dans les entretiens menés ou les observations faites, ces temps peuvent parfois être très compliqués, longs et psychologiquement assez lourds. Jusqu'où laissent-elles entrer les parents ? Comment éviter qu’ils ne s’installent au salon ?
Au fur et à mesure de leur ancienneté et de leur expérience professionnelle, les assmats parviennent à construire des espaces ou des dispositifs qui laissent les parents à leur place et uniquement à leur place. Mais ce n’est pas si évident.
Le poids croissant du numérique
Enfin, dernier temps additionnel, le temps numérique pour certaines très chronophage et parfois compliqué. Des parents veulent des photos ou un compte rendu, les assmats communiquent sur les réseaux, préparent les nouveaux contrats, prévoient le renouvellement et sont souvent en recherche de contrats. Il y a des territoires où c'est très tendu. Les contrats arrivent d'eux-mêmes sans trop de complications. Pour d'autres, les assmats doivent mettre en scène leur activité, remettre à jour leur annonce sur Monenfant.fr, sur Topassmat, alimenter la communication. Toutes ces tâches s'additionnent et s'ajoutent au temps de travail de surveillance et d'accompagnement des enfants eux-mêmes, qui est déjà long et très extensif.
La pénibilité physique du métier
Un métier longtemps considéré comme non physique
Que ce soit au niveau statistique et dans les entretiens qualitatifs menés, nous constatons une prise de conscience de plus en plus large de la réalité des conditions de travail d'un point de vue strictement physique.
Dans l'ancien monde, garder des enfants n'est pas considéré comme physique, n'importe qui peut le faire, ce sont des tâches quasi-domestiques sans pénibilité explicite.
Des gestes et postures à risque
Sauf qu'on s'est bien rendu compte qu'un enfant en bas âge, c'est lourd et que son port conditionne des positions et des postures qui peuvent être pathogènes.
À cela s’ajoutent la manutention des poussettes, le quotidien avec un mobilier pas toujours adapté et l’absence quasi-totale de formations sur ces questions de prévention.
Une prise de conscience progressive
Progressivement, on en prend conscience.
Les syndicats ont communiqué là-dessus et ont joué un rôle au niveau de la branche.
La CNAF et la Fepem ont également commencé à relayer ce sujet.
Le rôle de la transformation sociologique du métier
Cette prise de conscience vient aussi de la transformation sociologique du groupe des assmats, avec leur montée en qualification et en niveau de diplôme. Les choses sont davantage verbalisées, mises sur le devant de la scène. Aujourd'hui, beaucoup d'entre elles ont conscience de la dimension physique, pénible, difficile de leur métier.
Un déni persistant chez certaines assmats
Dans les entretiens menés, nous avons cependant constaté que pour les assmats ayant le plus d’ancienneté, il y a une sorte de déni de pénibilité. Même chez celles qui vont régulièrement consulter le kinésithérapeute ou le médecin.
Donc, la prise de conscience est bien meilleure qu'auparavant, mais reste très insuffisante.
Le prochain article s’intéresse à l’avenir de la profession : rémunérations, déclin des effectifs et rôle des syndicats. Lire le prochain article : Assistantes maternelles : construire l’avenir d’une profession en mutation.