Noël dans la rue ?
260 cortèges et 1,8 million de manifestants contre la réforme des retraites le 17 décembre : le rejet est massif et le mouvement n’est pas prêt de s’essouffler. Pour vous, voici un reportage de la manifestation parisienne du 17 décembre 2019.
« Sous le sapin, la grève »
Ils se disent prêts à passer Noël dans la rue. « Sous le sapin, la grève », confirme une banderole. Ce mardi 17 décembre, la mobilisation ne faiblit pas. Au contraire, elle se renforce et constitue d’ores et déjà l’une des manifestations les plus fournies de ces dix dernières années.
À l’intersyndicale* soudée depuis le 5 décembre contre le projet de l’exécutif se sont ajoutées la CFDT et la CFTC. Pour leur part, elles ne sont pas hostiles à la retraite par points, mais font de l’âge d’équilibre à 64 ans un casus belli. Du coup, ça fait du monde dans la rue ce jour-là !
Cheminots, agents RATP, fonctionnaires, enseignants, avocats et magistrats, personnels soignants, mais aussi lycéens et étudiants, artistes, intermittents du spectacle, salarié.e.s du privé… La liste des professions engagées dans ce bras-de-fer est longue. Bien avant le départ du cortège, place de la République, l’ambiance est à la fête. On joue au chamboule-tout sur des boîtes de conserve à l’effigie des membres du gouvernement. Musiciens et sonos des camions des syndicats rivalisent. ça sent la grillade et l’air est doux. Un jeune homme brandit l’une des pancartes de la CGT, « Sauve ta retraite, mange un banquier », au côté d’une femme qui se réjouit de l’ambiance : « C’est vraiment l’atmosphère des grandes manifs bon enfant telles qu’on les vivait avant que le tandem Macron-Castaner ne fasse tout pour nous empêcher de défiler contre son entreprise de destruction massive des droits sociaux. »
L'humour en manifestation
Il est vrai que les manifestants sont joyeux et ont le slogan plein d’humour. Une jeune femme habillée en mariée porte une pancarte autour du cou : « Urgent, né.e avant 1975 ? Épouse-moi ! Libre de suite ». A deux pas, du côté obscur de la force, Dark Vador constate : « Votre manque de foi en la retraite à points me consterne ».
Le boulevard du Temple, qui relie la place de la République à celle de la Bastille, est noir de monde, trottoirs compris. Les cheminots usent et abusent des fumigènes qui nimbent le cortège de fumée rose. Seuls les pompiers parviennent à s’ouvrir un chemin dans la foule de manifestants. Ceux-ci leur font une haie d’honneur en applaudissant leur passage. Les partis politiques de gauche sont installés de part et d’autre, distribuant des argumentaires contre la réforme et des propositions de réformes alternatives.
Plus loin, la troupe du Théâtre du soleil, emmenée par Ariane Mnouchkine, anime une marionnette géante, toute de blanc vêtue, mais l’œil ensanglanté.
Une banderole rappelle que « 3 cadres sur 4 sont contre la réforme des retraites ». Des jeunes scandent : « On est avec les travailleurs ». Les artistes préviennent : « Toute la culture est dans la rue », tandis que les blouses blanches poussent les cercueils du Samu et de l’hôpital public.
Sur les marches de l’Opéra Bastille, une bonne surprise
Le chœur de l’Orchestre national de Paris interprète notamment le Chant des partisans entouré des personnels en grève de l’Opéra de Paris, renommé pour l’occasion « orchestre national de papis » : « Manu, notre retraite ne sera pas une comédie à la française », préviennent-ils. Dans l’assistance, beaucoup ont la larme à l’œil.
Sous le ballon de la CGT d’Île-de-France, pas de gilets roses cette fois. Les aides à domicile et les assmats, largement mobilisé.e.s dans toute la France le 5 décembre, n’ont pu se mettre en grève. Comme le décrypte Stéphane Fustec, de la CGT du Service à la personne : « C’est difficile pour les asmats de faire grève deux fois à dix jours d’intervalle. Elles ont déjà de très bas salaires, alors impossible de le réduire davantage ». Il est vrai que les assmats croisées dans le cortège du 5 décembre racontaient que les parents avaient bien compris l’enjeu et que ça n’avait pas posé de problème. Mais c’était pour une seule journée. Ils sont nombreux, à l’instar des salarié.e.s du service à la personne, à ne pouvoir débrayer et se mobiliser. Précaires, contractuel.le.s, intérimaires… n’en sont pas moins dans la bataille contre la retraite à points.
* CGT, FO, CFE-CGC, FSU, Solidaires, UNEF, MNL, FIDL, UNL