Temps partiel : pas sans risque !
Louis-Alexandre Erb est chargé d’études sur les conditions de travail au sein de département Conditions de travail et Santé de la Dares. Il évoque les grandes lignes de l’étude* sur le temps partiel à laquelle il a participé.
Propos recueillis par Chrystel Jaubert
Quel a été l’objet de cette étude ?
L’étude que nous avons conduite avec Mikael Beatriz, mon co-auteur, fait suite à une demande du comité d'experts sur la réévaluation du SMIC qui nous demandaient des informations sur les bas salaires. Nous sommes d'abord partis de cet angle-là pour travailler sur les personnes à temps partiel. Très vite, nous avons élargi notre analyse à la question de la réduction du temps de travail et de ses conséquences sur les conditions de travail et les risques psychosociaux des salarié·es.
Le temps partiel : 17 % des salarié·es en France
Le temps partiel représente actuellement 17 % des salarié·es en France, ce qui est loin d'être négligeable. Pour le définir simplement, il s'agit d'une modalité d’organisation du temps de travail qui consiste à avoir un temps de travail inférieur à la durée légale (35 heures) ou conventionnelle en France, bien que cette définition puisse varier selon les pays et selon les critères retenus.
La France dans la moyenne européenne des temps partiels
Dans un contexte européen, la France se situe dans la moyenne, avec des pays d'Europe de l'Est qui recourent très peu au temps partiel et d'autres qui l’ont développé de façon assez massive, comme les Pays-Bas où près d'un·e salarié·e sur deux travaille à temps partiel.
L'évolution de la réduction du temps de travail
Nous avons tenté de retracer l'évolution de la réduction du temps de travail depuis les années 70, période où ces questions étaient moins posées en raison de leur faible prévalence en nous appuyant sur les travaux de deux collègues, Charles Raffin et Hatice Yildiz, qui avaient réalisé une étude pour l’Insee trois ans plus tôt.
En effet, le temps partiel s'est particulièrement développé dans les années 80 et surtout 90, avec deux phénomènes concomitants : l'arrivée massive des femmes sur le marché du travail, qui optent pour le temps partiel après la naissance de leurs enfants, qui devient un phénomène d’ampleur.
Dans le même temps, on assiste au développement d'emplois dans certains secteurs d’activités très féminisés, notamment dans les services à la personne, accompagné de politiques d'emploi favorisant le temps partiel par des exonérations de charges pour les employeurs.
Cela a conduit à un développement rapide du temps partiel, presque un doublement en quelques années. Je rappelle qu’auparavant, il était interdit de recruter à temps partiel.
Quel est le profil typique des emplois à temps partiel en France ?
Plus de 80 % des personnes travaillant à temps partiel en France sont des femmes. Cela reflète une concentration du temps partiel dans certains métiers spécifiques, souvent peu qualifiés et très féminisés, comme les agents d'entretien, les aides à domicile, les aides-soignantes et les infirmières.
Le temps partiel imposé par l'employeur
Ces métiers se caractérisent par un contrat à temps partiel imposé par l'employeur en raison de contraintes organisationnelles. Ce mode d’organisation du travail à temps partiel concerne quasiment 4 emplois à temps partiel sur 10.
Le temps partiel pour les enfants
Il existe également des temps partiels pour raison familiale, principalement pour s'occuper des enfants. Le temps partiel pour raison d’enfant est assumé à 94 % par des femmes. Là aussi, c’est un mode de gestion lié au fait qu’il y a des difficultés d’articulation des temps entre le temps de travail et le temps familial.
Le temps partiel pour des raisons de santé
Par ailleurs, certaines personnes passent à temps partiel pour des raisons de santé et se maintiennent en emploi grâce à des dispositifs de type mi-temps thérapeutique ou autres.
Le temps partiel pour les jeunes ou les retraités
Une partie des jeunes cumule un temps partiel avec des études pour des raisons financières. De même que des retraité·es avec un faible niveau de pension vont la cumuler avec les revenus d’un emploi à temps partiel en complément.
L'aide à domicile touché particulièrement par le temps partiel
Il est intéressant de noter que dans certains métiers comme l’aide à domicile, 89 % des salarié·es travaillent à temps partiel, ce qui en fait une organisation structurelle de ces emplois.
Les conditions de travail sont-elles meilleures à temps partiel ?
Nous avons commencé par essayer de cerner dans quels métiers étaient concentrées les personnes à temps partiel. À partir des données de l’Insee, la Dares a défini des familles professionnelles et classé les personnes dans près de 90 métiers. Plus récemment, la Dares a également publié une analyse du lien entre temps partiel et conditions de travail.
Nous avons constaté que deux tiers des personnes à temps partiel étaient concentrés dans 15 métiers sur les 90, représentant 60 % des bas salaires.
Quels sont les métiers concernés ?
C’est une hyper concentration des temps partiels sur quelques métiers très spécifiques, féminisés et relevant des contraintes organisationnelles que j’ai déjà évoquées : entretien, aide à domicile, médical et paramédical, vente, action culturelle.
Principalement des métiers de catégorie employés·es, donc assez peu qualifiés selon les classifications.
Quelles sont leurs conditions de travail ?
Une fois que nous avions identifié ces métiers et les raisons du temps partiel, nous avons regardé quelles étaient leurs conditions de travail. Normalement, les personnes concernées devraient avoir des conditions de travail proportionnelles à leur temps de travail, donc meilleures qu’à temps plein.
Les contraintes organisationnelles
Mais ce n’est pas le cas pour certains groupes. Ceux relevant de contraintes organisationnelles ont des conditions de travail équivalentes en moyenne à celles des personnes à temps plein.
Les horaires atypiques
Nous nous sommes donc interrogés sur les raisons. Nous avons constaté qu'outre l’organisation du travail à temps partiel, les conditions de travail étaient très particulières. Cela est notamment dû aux horaires atypiques, comme le travail de nuit ou le travail le week-end.
Il y a là une double spécificité qui impacte les conditions de travail.
Dans le service à la personne, y a-t-il des différences de conditions de travail selon les modes d’emploi ?
Oui, une étude de nos collègues Éric Kulanthaivelu et Lydia Thiérus a montré que les salarié·es des prestataires de services avaient des conditions de travail moins favorables que ceux relevant de l’emploi direct. Ils ont des horaires plus souvent atypiques et des salaires horaires plus faibles.
Globalement, tous ces emplois se caractérisent par des horaires atypiques et une précarité accrue. C'est notamment du fait de contrats à durée limitée et de bas salaires.
Les conditions de travail des personnes à temps partiel sont souvent équivalentes, voire identiques, à celles des personnes à temps plein, malgré un nombre d'heures travaillées inférieur.
Faisabilité et soutenabilité des emplois à temps plein
L’amplitude horaire y est importante.
À ce propos, des travaux récents de Julie Valentin et François Xavier Devetter ont mis en évidence une ambiguïté. Un temps de travail, censé être à temps partiel, est souvent rémunéré par de faibles montants. Cependant, le volume horaire global sur la journée peut être beaucoup plus long. Cette différence n'est pas toujours rémunérée en conséquence.
Tous ces éléments soulèvent la question de la faisabilité de ces emplois à temps plein, compte tenu des contraintes physiques et des risques psychosociaux.
Cela pose également la question de la soutenabilité des emplois à long terme et du besoin d'une régulation pour assurer la durabilité de ces emplois.
Justement, quels seraient les leviers d'action possibles pour améliorer la situation des personnes travaillant à temps partiel ?
Repenser l'organisation du travail et ajuster les rémunérations, en particulier pour les emplois à horaires atypiques, semble important.
La puissance publique
La puissance publique, qui a encouragé le développement du temps partiel, pourrait maintenant envisager une régulation de ces emplois. Ceci assure leur durabilité et protège la santé des travailleur·euses concerné·es.
Temps partiel et précarité
De plus, je le répète, les 15 métiers les plus concernés par le temps partiel représentent 60 % des bas salaires en France. Cela montre un lien fort entre temps partiel et précarité. Ces questions méritent d’être abordées pour améliorer les perspectives professionnelles et les conditions de vie des salarié·es.
Et si cela améliorait les conditions de travail ?
En outre, il est important de souligner que le passage à temps partiel peut parfois améliorer les conditions de travail. Cela ne résout pas le problème de l'insécurité professionnelle. On évalue neuf dimensions des conditions de travail. Globalement, la plupart s’améliorent sauf l’insécurité professionnelle qui reste dégradée.
La réduction des heures de travail peut en effet détériorer les perspectives professionnelles. Elle créée une incertitude sur l'avenir financier des travailleur·euses.
Il pourrait donc être utile de réfléchir à des solutions pour les soutenir, notamment en améliorant les conditions de travail et en augmentant la rémunération horaire.
Le temps de travail est au coeur des préoccupations de la Cgt, il existe des façons d'agir, défendez vos droits et syndiquez-vous à la Cgt !
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