Un article de Chrystel Jaubert

Prévue de longue date puis différée du fait du confinement, la rencontre entre une douzaine de gardes d’enfants et le syndicat CGT du Service à la personne a finalement eu lieu début octobre. L’occasion de faire connaissance, d’expliquer le fonctionnement du syndicat, ses combats et ses revendications. Reportage.

Une rencontre à l'initiative de deux syndiquées

Massiata et Marcelle ont le sourire. A leur initiative, une douzaine de gardes d’enfants sont venues passer leur samedi après-midi dans les locaux parisiens du syndicat CGT du Service à la personne. L'objectif ? Une rencontre avec  Nathalie Ghaffar et Stéphane Fustec, qui le font vivre au quotidien. C’est le fruit d’un travail engagé en janvier dernier, différé du fait de la crise sanitaire, mais qui a fini par aboutir.

Syndiquées depuis deux ans, Massiata et Marcelle animent un groupe WhatsApp de gardes d’enfants. Elles parlent souvent de la CGT à leurs collègues lorsque celles-ci rencontrent des difficultés ou qu’elles ont du mal à comprendre de nouvelles dispositions conventionnelles. En début d’année dernière, nos deux nounous font part à Nathalie de leur projet de l’inviter à déjeuner avec elles. Elle rencontrerait ainsi les membres du groupe, qui apprendraient à la connaître et auraient suffisamment d’informations sur le syndicat avant de franchir le pas et adhérer. Une démarche d’autant plus intéressante, selon Nathalie, que : « A l’approche des élections professionnelles des salarié.e.s des TPE et des particuliers-employeurs, nous étions convaincues avec Massiata et Marcelle de la nécessité de se mobiliser pour que leurs collègues s’impliquent et aillent voter ». Le confinement met un coup d’arrêt à ce rapprochement. Il a donc fallu attendre ce samedi 10 octobre pour que toutes se retrouvent enfin.

« Tout est à inventer dans votre secteur, car le code du travail ne parle pas de vous »

Ce jour-là, les locaux sont réagencés pour que chacune puisse s’asseoir dans le respect des règles de distanciation en vigueur. Elles arrivent à 14 heures, ponctuelles, se saluent et échangent. Elles se connaissent déjà puisqu’elles participent au même groupe WhatsApp. Quinze gardes d’enfants étaient attendues, douze sont venues. Elles sont « plus nombreuses qu’à bien des réunions d’adhérentes », estime Nathalie qui prend la parole. Le fonctionnement du syndicat, son rôle, ses activités… Une première approche indispensable. Elle va plus loin, entrant dans le détail de la négociation en cours. Celle-ci concerne la réécriture et la fusion des deux conventions collectives nationales (CCN), celle des assmats et celle des salarié.e.s du particulier-employeur. Elle liste ainsi les revendications de la CGT pendant cette négociation et rappelle que c’est un long travail : il reste beaucoup d’améliorations à porter et apporter.

Pendant son exposé, des questions jaillissent. Une nounou aborde celle de l''assurance responsabilité civile : « On m’a dit que je devais en contracter une… ». Nathalie est formelle : « C’est à l’employeur de le faire, pas à vous ». Une de ses collègues déplore l’absence de mutuelle pour les gardes d’enfants : « Ce n’est pas normal ! ». Stéphane esquisse des éléments de réponse. S’il considère qu’en effet, ce n’est absolument pas normal, il rappelle qu’il y a 1,5 million de salarié.e.s du particulier-employeur.  Les conditions d’emploi et le temps de travail sont donc très divers. Cela rend extrêmement complexe la mise en œuvre d’une telle mesure.

Mais ce n’est pas une fin de non-recevoir, insiste Stéphane : « On va déjà franchir l’étape de la santé au travail qui est en train d’aboutir. Puis on va chercher à porter cette revendication et à construire un système viable. Tout est à inventer dans votre secteur, car le code du travail ne parle pas de vous ». Les dysfonctionnements de Pajemploi et la pertinence de s’inscrire sur Pajemploi + s’invitent alors dans les échanges. Du pour, du contre, « Pajemploi est une forteresse imprenable ! », assène Stéphane.

« On est gâtées, mais intelligemment ! »

Des outils dédiés

Nathalie poursuit son exposé et présente les différents outils qui constituent le kit du syndiqué. Ils seront remis à chacune à la fin de la journée :

  • les plannings de congés payés et jours de récupération à bien faire signer pour éviter les problèmes au moment de la rupture ;
  • le guide juridique et la CCN à propos desquels Nathalie insiste : « Prenez le temps de les lire et s’il y a des incompréhensions ou des questions, on est là ! » ;
  • les publications papier, les réseaux sociaux, le blog et les sites web du syndicat ;
  • le petit carnet avec tous les numéros utiles et les coordonnées des institutions et interlocuteurs.

Elle en profite pour faire un point sur l’Ircem, leur groupe de Prévoyance et les informer des dispositifs d’aide aux vacances, de chèques-vacances, d’action sociale et de soutien psychologique en cas de coup dur. Elle les invite donc à ouvrir un compte sur le site de l’Ircem pour y accéder. Comme toutes ces demandes sont faites en ligne et dématérialisées, Nathalie a pris soin d’imprimer certains documents pour qu’elles se familiarisent avec l’Ircem avant de s’y inscrire.

Dans la salle, une nounou lance : « On est gâtées, mais intelligemment ! », une sortie accueillie par des rires d’approbation. L’ambiance est à la détente, même si toutes ont à faire part de problèmes, certains récurrents, et sont en quête de réponses personnalisées. Nathalie rappelle les modalités : prise de rendez-vous par téléphone ou par mail pour les permanences en semaine ou certains samedis. Une heure est consacrée à chaque entretien de sorte à prendre le temps pour chacune d’entre elles. Elle les enjoint à venir avec tous leurs documents, contrats de travail, bulletins de salaire et codes d’accès à la plateforme Pajemploi. Autant de documents précieux pour pouvoir travailler efficacement, leur apporter des réponses claires et des calculs précis quand nécessaire.

Un droit gratuit à la formation

Massiata évoque par ailleurs l’importance de la formation professionnelle et des modules qu’elles peuvent suivre et valider pour aller vers un CAP Petite Enfance. Nathalie précise que sauf pour celles qui veulent travailler en crèche, la certification est préférable au CAP. En effet, elle se traduit par une hausse du salaire horaire de 3 %. La liste des formations auxquelles elles peuvent prétendre est longue. Nathalie les harangue : « Faites-le, c’est votre droit et c’est gratuit. Peu importe si votre employeur le refuse. Vous suivez votre formation le samedi. Vous recevrez ensuite une somme forfaitaire qu’on a bataillé pour maintenir et qui vous sera directement versée dès le 1er janvier 2021. »

Une adhésion solidaire

Là encore, des échanges informels sont lancés. Elles parlent du confinement et de la crise sanitaire qui leur a fait prendre conscience de l’importance de leur métier. A elles comme à l’ensemble de la société qui porte désormais un autre regard sur les métiers du lien, ajoutent-elles. Elles évoquent également la facilité avec laquelle un seul grain de sable peut faire déraper la relation avec les parents. « Votre métier est important et essentiel, renchérit Nathalie, mais il est difficile,  fatiguant et vous avez des responsabilités lourdes. Ne vous laissez pas marcher sur les pieds ».

Respect des droits, aides et soutiens, prévoyance, formation professionnelle… « C’est pour toutes ces raisons qu’il est important d’adhérer à un syndicat ». Après des explications sur le coût de l’adhésion, Stéphane enfonce un peu le clou : « A la CGT, on se serre les coudes en cas de problème, c’est comme ça qu’on a obtenu un soutien pour les Mam fermées. Mais on revendique aussi et on manifeste. Voilà comment on a gagné le maintien de l’ARE pour les assmats avec les gilets roses ». Marcelle l’interrompt : « Oh la la, ça, c’est justement mon prochain projet, une grande manif’ des nounous ! ». Toutes font aussitôt part de leur soutien en riant.

Stéphane reprend pour les informer de la mise en place d’une plateforme d’activités sociales et culturelles. Elle leur sera consacrée dès la fin de l’année. « Une sorte de comité d’entreprise pour celles et ceux qui n’en ont pas, acquis au terme de dix ans de bagarre. » Avec des tarifs négociés et avantageux sur le cinéma, les sorties, le tourisme social… Elles sont satisfaites car à cause du coût, elles ne s’autorisent guère de sorties ou vacances en famille.

Se prendre en main et de relever la tête

Cette rencontre est née d’une volonté partagée de mobiliser les salarié.e.s du particulier-employeur pour les élections professionnelles qui se tiendront en début d’année. Avant qu'elle ne s’achève, Stéphane se fend donc de quelques précisions sur leur déroulement. Il explique les modalités du vote et la mesure de la représentativité qui en découle. « Notre capacité  à négocier, à signer des accords ou à nous y opposer dépend de notre représentativité. Transmettez, faites passer le message. Sachez qu’ici, dans nos locaux, nous installerons des ordinateurs en accès libre pour toutes celles qui ne sont pas équipées ou qui veulent se faire aider, expose Stéphane. C’est important que le gouvernement voie que les nounous sont fortes. Et que quand on leur donne la parole, elles la prennent ! ».

Avant que chacune ne reparte, Nathalie distribue les sacs comprenant le kit du syndiqué. De petits groupes se forment et des nounous remplissent des bulletins d’adhésion. Certaines échangent leurs coordonnées, d’autres prennent rendez-vous avec Nathalie. D’autres encore doivent filer, saluent et remercient tout le monde. Ce jour-là, neuf nounous se sont syndiquées à la CGT. « C’est énorme, se réjouit Nathalie. Car ce n’était initialement qu’une réunion pour faire connaissance. Ça dénote un véritable intérêt pour notre action et nos valeurs, autant qu’une volonté de leur part de se prendre en main et de relever la tête ».

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