Manifestation du 1er Mai. La mobilisation sociale a repris ses droits. Et le chemin de la rue. Syndicalistes, militant.e.s et citoyen.ne.s ont battu le pavé entre la place de la République et celle de la Nation samedi dernier, renouant avec le traditionnel défilé de la Journée internationale de lutte des travailleurs et travailleuses. Reportage dans le cortège parisien par Chrystel Jaubert

Retour vers la manif

Le 1er Mai, on se retrouve enfin

Des manifestants qui jouent des percussions
Se retrouver @ChrystelJaubert

Stands de grillades, camions des organisations syndicales, banderoles qui se déploient… comme une sorte de retour aux fondamentaux. L’ensemble des privé.e.s de 1er Mai de l’année dernière a répondu à l’appel cette année. Et la place de la République est noire de toutes celles et ceux qui se réjouissent de renouer avec un rendez-vous important.

Au-delà de l’éternelle bataille des chiffres entre la préfecture et la CGT, annonçant respectivement 17 000 et 25 000 manifestants dans la capitale, il y a du monde, beaucoup de monde. De la musique, des pancartes, des banderoles, des rires et du muguet. Comme pour souligner à quel point il est bon de se retrouver et de marcher ensemble. Après plus d’un an d’une crise sanitaire autant que sociale, les raisons de la colère le disputent aux doléances, parfois un peu abruptes dans leur formulation, souvent drôles et décalées.

Une manifestation "juste, solidaire et durable"

La CGT présente en force, avec ses dossards rouges. On peut lire la pancarte : "Pour les droits sociaux et les libertés, contre les idées d'extrème droite, travailleurs de tous pays, unissons-nous !"
Pour les droits sociaux et les libertés @ChrystelJaubert

Les organisations syndicales (CGT, FO, FSU, Solidaires avec les organisations de jeunesse Unef et UNL) avaient appelé à une journée unitaire partout en France. « Juste, solidaire et durable », voilà pour le mot d’ordre général. En particulier, les syndicats appelaient surtout à une journée de mobilisations et de manifestations « pour l’emploi, les salaires, les services publics, les libertés et la paix dans le monde ».

Philippe Martinez à la manifestation du 1er Mai.
"Il faut changer radicalement de politique" @ChrystelJaubert

Comme l’indiquait d’ailleurs Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, avant que le cortège ne s’ébranle, « Il faut changer radicalement de politique. Il faut que le « quoi qu’il en coûte », ça aille aux citoyen.ne.s, aux services publics, à l’hôpital, à augmenter les salaires et à maintenir ou faire revenir des emplois dans notre pays ». Car selon lui, « Ces derniers mois, il y a eu beaucoup de restructurations, beaucoup d’argent pour ceux qui en ont déjà beaucoup. Et encore moins pour ceux qui n’en ont pas, à l’exemple de la réforme de l’assurance-chômage ».

La réforme de l'assurance-chômage, "une volonté de casser notre protection sociale"

Photo d'une banderole indiquant "Votre monde du travail n'est pas le nôtre"
Votre monde du travail n'est pas le nôtre @ChrystelJaubert

Dans le viseur de bon nombre de manifestant.e.s en effet, la réforme de l’assurance-chômage. Une réforme qui va raboter les droits et plonger des centaines de milliers de personnes dans la précarité. Un couple explique : « Au moment où on a le plus besoin de soutien, où dix millions de français sont dans la pauvreté, on va venir grossir leurs rangs. Ce gouvernement pense à l’envers, mais pas question de se laisser faire ». Derrière cette réforme, certains voient tout bonnement « une volonté de casser notre protection sociale, notre modèle social et le code du travail ». D’ailleurs, si le président fait pour sa part des détours hasardeux par le programme du Conseil national de la Résistance, évoquant notamment Les jours heureux, ce 1er mai, les manifestant.e.s font plutôt référence à la Commune, dont on commémore le 150ème anniversaire cette année.

Entre la fête et la colère

Photo de la manifestation avec la pancarte : "Exploité.e.s expulsé.e.s, à quand régularisé.e.s ?"
Exploité.e.s expulsé.e.s, à quand régularisé.e.s ? @ChrystelJaubert

Les averses n’entament en rien l’ambiance. Autour de chaque ensemble de percussions, de chaque fanfare, ça danse. Beaucoup de jeunes sont descendu.e.s dans la rue, très mobilisé.e.s sur des enjeux liés à leurs études et leur avenir, mais aussi sur le climat. Pour Mélanie, vingt ans, venue avec sa bande d’ami.e.s, « On le répète à chaque fois qu’on marche, la justice climatique et la justice sociale participent d’une même lutte et d’un même mouvement ». Le groupe acquiesce et parmi eux, un jeune homme tient à montrer qu’il a même inscrit ce principe sur la pancarte qui pend à son cou : « Climat, social, même combat ! ».

Jeunes, mais aussi précaires, chômeurs.euses, sans-papiers, personnel soignant, intermittent.e.s, monde de la culture… Les revendications se font parfois spécifiques, mais la colère est transverse tant les motifs de révolte s’agrègent. Jusqu’à la gestion de la pandémie par le gouvernement, régulièrement mise en cause.

Une grande mobilisation féministe

Une pancarte indique "La vague féministe noiera les patrons". Le texte est accompagné d'un dessin : une vague qui renverse trois hommes en costard.
La vague féministe noiera les patrons @ChrystelJaubert

Le cortège, dense, progresse lentement boulevard Voltaire. Sur les trottoirs, les partis politiques de gauche et écologistes ainsi que les organisations de défense des droits de l’homme jalonnent le parcours. Les Rosie d’À cause de Macron, liées à Attac, sont bien là, dans leurs bleus de travail. Elles dansent toujours et rappellent à quel point les femmes sont les oubliées des politiques à l’œuvre. Pour ce défilé du 1er mai, plusieurs mouvements et collectifs avaient appelé à une grande mobilisation féministe. Ce fut le cas. Les « premières de corvée » ont répondu présentes. Les autres aussi, rappelant inlassablement que les femmes étaient pénalisées à bien des égards, non seulement par les réformes de l’assurance-chômage et des retraites, mais aussi dans la crise sanitaire et les mesures qui se sont imposées à toutes.

« Ça paraît fou, en 2021, d’être encore contraintes de réclamer notre dû, de faire valoir nos droits les plus élémentaires, de défiler pour la fin des violences sexistes et sexuelles, une égalité de traitement au travail ou un peu de considération, se désole une septuagénaire. Et pourtant, j’en ai fait des grèves, des manifs et des défilés du 1er mai ».  Elle n’ira pas jusqu’à la Nation.

Photo de la foule qui manifeste avec une banderole rouge "#Grève féministe"
#Grèveféministe @ChrystelJaubert

Fin de partie pour la fête

Des groupes se sont formés devant le carré de tête et certains, très remontés et s’en prenant à des vitrines ou du mobilier urbain, font face aux forces de l’ordre qui chargent et gazent. Les lacrymogènes se répandent, chargeant l’atmosphère et plombant l’ambiance. Beaucoup de manifestant.e.s renoncent à aller jusqu’au bout. On l’apprendra plus tard, des militant.e.s de la CGT ont été violemment agressé.e.s. Déplorable. C’était pourtant un joli 1er Mai.

"Vaccins, biens communs mondiaux"
Vaccins, bien communs mondiaux @ChrystelJaubert
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