Samedi dernier, à l’occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, des marches ont été organisées dans plusieurs villes à l’appel de #NousToutes* et de plus d’une centaine d’organisations signataires de l’appel, dont la CGT.

Reportage à Paris par Chrystel Jaubert

Entre constats, colères et revendications, la marche a fait le plein. En tête de cortège, les familles et les proches de victimes de féminicides et d’infanticides. Des noms, des photos sur fond violet, des doléances, l’accent parfois mis sur les dénis de justice, les premières pancartes ouvrent la voie à une marée violette qui déferle en hommage à toutes les victimes de la violence machiste.

80 000 manifestant•es à Paris

80 000 manifestant·es ont en effet défilé à Paris le 25 novembre contre les violences faites aux femmes, aux personnes LGBTQIA+ et aux enfants. Violences physiques, psychologiques, sexistes, sexuelles ou sociales, perpétrées dans la sphère privée, dans l’espace public, au travail ou lors de conflits armés.

Si #MeToo a suscité une prise de conscience collective, pas plus de volonté politique aujourd’hui qu’alors. Depuis mai 2017, première élection d’Emmanuel Macron, 850 femmes ont été tuées, victimes de féminicides.

Un gouvernent désengagé

#NousToutes dénonce « le manque d’engagement du gouvernement Macron pour lutter contre les violences de genre, dont le féminicide est l’expression ultime et irrémédiable ».

Pour ce qui devait être « la grande cause du (premier) quinquennat », les organisations féministes réclament 2,6 milliards d’euros par an alimentant un budget dédié à la lutte contre les violences faites aux femmes. Aujourd’hui, l’État ne dépense que 184,4 millions, bien loin du compte.

Les chiffres parlent précisément. 121 féminicides ont eu lieu depuis le début de l’année. Sur les réseaux sociaux, #NousToutes en égraine le nombre, poursuivant sa litanie. Macabre. Un tiers des auteurs avaient été condamnés pour des faits de violence.

Et ça continue… 250 viols ou tentatives de viol se produisent chaque jour, soit un viol toutes les six minutes. 94 000 femmes sont victimes de viol ou de tentative de viol chaque année.

Pourtant, 29 % des plaintes qu’elles déposent ne sont pas transmises au procureur par la police et 80 % des plaintes communiquées à la justice sont classées sans suite.

En réponse à la Première ministre invitant « ces femmes à porter plainte », une jeune femme dénonce l’hypocrisie du gouvernement sur le carton qu’elle brandit : « Elle en est où la plainte que j’ai déposée il y a quatre ans ? ».

Si le nombre de plaintes explose, l’impunité demeure. Non loin, une autre jeune femme a écrit : « Pour que nos vies ne soient plus classées sans suite ».

« Plus écoutées mortes que vivantes »

Dans la marée de pancartes violettes largement diffusées par #NousToutes, beaucoup de messages plus personnels. Plus radicaux aussi. « Dans 15 féminicides, c’est Noël » côtoie « Justice coupable, État complice », « Darmamain dans ta gueule » rivalise avec « Plus écoutées mortes que vivantes », « On ne naît pas femme, on en meurt » avance à côté d’ « Éduquez vos fils pour protéger nos filles ».

Batucadas, fanfares et sonos rythment le défilé et distinguent les organisations. Ukraine, Palestine, Israël, Afghanistan… Les groupes de soutien et les manifestant·es du pôle solidarité internationale rappellent que les femmes sont aussi les premières victimes de conflits armés.

Des slogans appellent à déconstruire les stéréotypes, dénoncent le patriarcat ou la culture du viol. Femmes racisées, précaires, personnes trans, migrantes, femmes handicapées, travailleuses du sexe… toutes donnent de la voix ce jour-là et au-delà de la diversité des vies et des situations, les luttes convergent.

La nécessité d'une loi

#NousToutes et les 130 organisations signataires de l’appel ne se contentent pas de dénoncer année après année. Elles revendiquent l’adoption d’une loi-cadre avec :

  • l'inscription du féminicide dans le code pénal,
  • la formation obligatoire et continue de tout·es les professionnel·les susceptibles d’être au contact des victimes de violence,
  • la création de brigades et de juridictions spécialisées,
  • le déploiement des dispositifs de protection existants,
  • la mise en place d’une aide financière pour la mise en sûreté et l’accompagnement des victimes (création de 15 000 places d’hébergement), 
  • une véritable politique de prévention dès l’école.

Et au travail ?

Les violences perdurent, l’égalité salariale est toujours un vœu pieux, tandis que la précarité reste un facteur de violences conjugales. Or les temps partiels sont occupés à 78 % par des femmes.

Là encore, les chiffres sont glaçants. 32 % des femmes ont déjà subi du harcèlement sexuel au travail. Sur les lieux de travail, plus de 8000 viols ou tentatives de viol ont lieu chaque année. Les employeurs, publics comme privés, ont pourtant l’obligation de prévenir les violences, de les faire cesser et d'en sanctionner les auteurs.

Comme le souligne Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT derrière la banderole de l’intersyndicale qui dénonce les violences sexistes et sexuelles au travail, le patronat et le gouvernement refuse d’agir :

« Nous demandons la sanction de tous les employeurs qui n’ont pas de plan de prévention. Nous demandons à ce que les représentant·es du personnel aient plus de moyens pour agir, accompagner et défendre les victimes. Et nous demandons que les victimes de violence conjugale soient aussi protégées au travail ».

S’agissant des femmes occupant des métiers féminisés, notamment les métiers du soin et du lien aux autres, les violences passent souvent sous les radars. Les femmes qui s’occupent de personnes vulnérables, malades ou âgées sont isolées. Cela constitue un facteur de risque supplémentaire qui appelle la mise en place d’une prévention adaptée.

Pour toutes ces raisons, Sophie Binet estime que « le 8 mars prochain, le but est de gagner une grève féministe la plus massive possible ». Une mobilisation qui se construit dès à présent avec, pour tous les métiers féminisés, assmats, aides à domicile, caissières, infirmières, aides-soignantes…, un enjeu de reconnaissance des salaires, des qualifications, des conditions de travail et de la pénibilité de leurs métiers.

Rendez-vous le 8 mars !

*#NousToutes est un collectif féministe créé en 2017 qui regroupe des citoyen·nes, des associations, des organisations syndicales et politiques

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