Debout les femmes !
Sorti au cinéma le 13 octobre, le film de François Ruffin et Gilles Perret évoque la situation sociale de toutes ces femmes invisibles qui soignent, aident, soutiennent et nettoient. Il éclaire dans le même temps le travail parlementaire mené pour leur donner un véritable statut.
Par Chrystel Jaubert
C’est l’histoire d’une bagarre. Celle des femmes de ménage, auxiliaires de vie, aides-soignantes ou accompagnantes d’élèves en situation de handicap pour la reconnaissance. Celle de deux députés qui soutiennent leur démarche. « Je voulais faire un film dont je sois fier, et dont elles soient fières, un film qui les sorte dans la lumière, les sorte du mutisme aussi, qui les mène vers la parole », a déclaré François Ruffin, co-réalisateur du film avec Gilles Perret.
Une mission d'information de l'Assemblée nationale
Ce « road-movie parlementaire » s’ouvre sur la mission d’information de l’Assemblée nationale lancée pour répondre à cette question : « Comment expliquer que ces métiers, si essentiels pour notre société, soient fortement précarisés et si peu reconnus ? »
Deux députés que tout oppose, François Ruffin de La France insoumise et Bruno Bonnell de LREM, sont missionnés et contraints de travailler ensemble. Le premier considère qu’il faut un grand service public des métiers du lien, le second est plutôt sur des considérations d’aménagement des conditions de travail et de revalorisation des salaires. Au-delà de leurs convictions, ils vont cheminer ensemble plus d’un an et construire une complicité plutôt improbable. Avec la nécessaire reconnaissance de ces femmes pour point de convergence. Ils feront finalement cause commune, dans l’hémicycle comme dans les médias, jusqu’à écrire un projet de loi pour sortir de la précarité les femmes exerçant ces métiers du lien.
Des métiers du lien et de la précarité
Car elles travaillent beaucoup. Elles s’occupent des personnes âgées, malades, handicapées et elles font le ménage. Elles ont des horaires impossibles, fragmentés sur une amplitude de douze heures et plus. Les Franciliennes se lèvent au milieu de la nuit pour aller travailler trois heures au petit matin. Les provinciales alignent les interventions de 30 ou 45 minutes en multipliant les allers-retours en voiture. Les journées sont longues, la paie est maigre, rarement au-dessus de 1 000 euros, la plupart du temps entre 600 et 800.
Ces travailleuses pauvres témoignent de leurs difficultés matérielles. Elles évoquent aussi les dégâts que le métier occasionne sur leur santé, physiquement autant que mentalement. Malgré tout, elles aiment leur métier. Leur engagement et leur implication sont sans faille.
Ces témoignages ont été recueillis lors des auditions de la mission. Mais aussi pendant le premier confinement où, on le sait, elles ont toujours travaillé, en première ligne auprès des personnes vulnérables dont elles avaient la charge. Elles étaient d’ailleurs souvent leur seule visite de la journée.
Un film important et poignant
Le film suit les deux députés partis à la rencontre de ces femmes. Il fait le va-et-vient entre ces rencontres, le travail de la commission parlementaire, la préparation du projet de loi, la bataille pour le faire adopter, les éternelles colères de François Ruffin ou les petits clins d’œil facétieux. En passant par le discours martial du président de la République, qui déclarait qu’il faudrait se souvenir de ces femmes et ces hommes que nos économies reconnaissent si mal, qui vient ponctuer très à-propos, par bribes, les témoignages recueillis.
Debout les femmes ! est un film important, souvent poignant et que nous vous conseillons vivement.
Un coup de gueule qui a du sens
Alors certes, l'Assemblée nationale n'a pas adopté le projet de loi proposé par le tandem. Comme le regrette Bruno Bonnell, « Il s’est fracassé sur l’idéologie et les a priori, au détriment de ces femmes. On a raté un virage ». Mais le film et leurs coups de gueule n’auront pas été tout à fait vains.
D’une part, ces femmes sont entrées dans la lumière et nul ne peut désormais ignorer leur situation. D’autre part, ce travail se prolonge en une victoire partielle. Cet été en effet, les femmes de ménage de l’Assemblée nationale ont obtenu un 13e mois et ont été augmentées. Elles gagnent aujourd’hui 1 300 euros net en moyenne, contre 900 pendant le tournage.
Debout les femmes ! de François Ruffin et Gilles Perret, en salle depuis le 13 octobre